Moi, je ne fais plus plaisir. Depuis ma greffe1 de moelle2 osseuse, je sens bien que je ne fais plus plaisir. Quand le docteur Düsseldorf m'3examine, le matin4, le cœur5 n'y est plus, je le6 déçois. Il me regarde silencieusement7 comme si j'avais fait une erreur. Pourtant je me suis appliqué, moi, à l'opération8 ; j'ai été sage9, je me suis laissé endormir, j'ai eu mal sans crier, j'ai pris tous les médicaments10. Certains jours11, j'ai envie de lui gueuler dessus, de lui12 dire que c'est peut-être lui, le docteur Düsseldorf, avec ses sourcils noirs, qui l'a ratée, l'opération. Mais il a l'air tellement malheureux13 que les insultes14 me restent dans la gorge15. Plus le docteur Düsseldorf se tait avec son œil désolé, plus je me sens coupable. J'ai compris que je suis devenu un mauvais malade16, un malade qui empêche de croire que la médecine, c'est formidable.
La pensée d'un médecin17, c'est contagieux. Maintenant18 tout l'étage, les infirmières, les internes et les femmes de ménage, me regarde pareil. Ils ont l'air tristes19 quand je suis de bonne humeur ; ils se forcent à rire20 quand je sors une blague. Vrai, on rigole plus comme avant.
Il n'y a que Mamie-Rose qui n'a pas changé. A mon avis, elle est de toute façon trop vieille21 pour changer. Et puis elle est trop Mamie-Rose, aussi. Mamie-Rose, je te la présente pas, Dieu, c'est une bonne22 copine à toi, vu que c'est elle qui m'a dit de t'écrire. Le problème, c'est qu'il n'y a que moi qui l'appelle Mamie-Rose. Donc faut que tu fasses un effort23 pour voir de qui je parle : parmi les dames en blouse rose24 qui viennent de l'extérieur25 passer du temps avec les enfants malades, c'est la plus vieille de toutes.
Eric-E. Schmitt, Oscar et la Dame en Rose