Dans
l'esprit des Anciens, les Enfers sont le monde des morts, localisé dans
les abîmes de la terre, par opposition aux deux autres mondes : Le
monde terrestre des hommes, et le monde céleste des dieux (appelés
aussi Superi, c'est-à-dire « ceux d'en haut », par opposition aux Inferi « ceux d'en bas, ceux d'en dessous »).Les Enfers sont en principe un lieu froid et sombre, à l'exception de la partie nommée les Champs Elysées. A
leur mort, tous les hommes vont aux Enfers, mais, peu à peu, il se
dessine dans la pensée des Grecs et des Latins l'idée d'un jugement :
les héros comme Achille ou vont se retrouver dans un endroit particulier des Enfers
appelé les Champs-Élysées, tandis que les criminels et les impies sont placés dans le Tartare et y subissent un certain nombre de peines terribles (Sisyphe et son rocher, le supplice de Tantale, ou celui des Danaïdes, condamnées à remplir éternellement un tonneau percé, Ixion broyé sur une roue pour avoir offensé Héra, ...).C'est sûrement là que résident les déesses du Remords, les implacables Furies (ou Erinnyes, ou "Euménides"), nommées Tisiphone, Alecto et Mégère qui poursuivent les grands criminels, tels les parricides (par exemple Oreste).
les Erinnyes (cratère d'Apulieca. 400 ante Christum, exposé au musée du Land de Bade, à Karlsruhe, R.F.A)
L'accès aux Enfers est protégé par des fleuves, en principe quatre, dont
les noms varient quelque peu. Les plus connus sont le Styx et l'Achéron,
mais il y a aussi le Cocyte (Κώκυτος, nom qui signιfie "[plein de] pleurs") et le Pyriphlégéton, auxquels certains
ajoutent l'Erèbe. Quand les Dieux jurent par le Styx, ils ne peuvent
trahir leur serment. Charon navigue sur l'Achéron,
mais elles doivent payer leur passage en donnant au passeur Charon une
pièce : traditionnellement c'est une obole, que l'on place dans la
bouche du mort que l'on enterre. (On peut dire qu'une obole
équivaut à peu près à un ou deux euros). Le fait de laisser un mort
sans que ce rite funéraire soit accompli (c'est-à-dire sans lui avoir
mis dans la bouche cette pièce d'une obole) est considéré par les Grecs
comme une faute énorme. Dans la légende d'Oedipe, c'est pour cette
raison qu'Antigone
veut absolument enterrer son frère Polynice : sans ce rite, l'âme erre
éternellement le long du Styx... C'est pour des raisons semblables que
les Athéniens condamnèrent à mort leurs amiraux vainqueurs dans la
bataille navale des Arginuses, car, en raison d'une tempête, ces
amiraux n'avaient pu récupérer les corps des marins athéniens morts au
combat... Par
la suite, sous l'influence des philosophes et probablement de la culture égyptienne antique,
les Grecs commencèrent à penser que les âmes étaient jugées après la
mort. Selon le philosophe Platon (et beaucoup d'autres...) le jugement est prononcé par trois héros mythologiques célèbres
pour leur sagesse : Minos, Eaque et Rhadamante.
Et cette idée d'un jugement s'est largement répandue, par
l'intermédiaire du christianisme grec, puis, plus tard, par les
musulmans dont le Coran reprend l'idée gréco-judéo-chrétienne d'un
paradis récompense des âmes pures.
Les catabases
Quatre
héros de la mythologie grecque ont fait la descente aux Enfers, appelée
"catabase" (κατάβασις est un mot grec signifiant « descente »). Ce sont
:
Ulysse,
qui doit retrouver aux Enfers le devin Tirésias qui seul peut lui
indiquer le chemin du retour. À l'occasion de cette descente aux
Enfers, il aperçoit l'ombre de sa mère, et celles de divers autres
héros déjà morts.
Héraclès aussi doit faire une catabase, dans le cadre de l'un de ses travaux : il doit ramener le fameux chien à trois têtes, Cerbère, qui garde le passage.
Orphée
était un poète-musicien extraordinaire, capable de charmer même les
bêtes sauvages par son chant et sa musique. Il aimait passionnément sa
femme Eurydice, mais un jour, celles-ci, piquée par an serpent, mourut.
Orphée la pleura longuement mais quelqu'un lui donna le conseil
d'entreprendre la descente aux Enfers pour la ramener dans le monde des
vivants. Orphée fit donc lui aussi une catabase, il apaisa Cerbère et
Charon par son chant, et il séduisit même Hadès et Perséphone. Les
dieux infernaux donnèrent leur accord pour qu'Eurydice suive Orphée
dans sa remontée vers le monde des vivants, à condition qu'Orphée,
marchant devant, ne se retourne en aucun cas. Malheureusement, Eurydice
fit un faux-pas à un moment de sa marche, et Orphée se retourna, de
sorte que son épouse lui fut définitivement enlevée.
Le célèbre héros athénien Thésée,
lui aussi, à l'occasion d'une de ses aventures, descend par curiosité
aux Enfers avec son ami Pirithoüs ; les maîtres des Enfers, Hadès et
Perséphone, incitent les deux aventuriers à s'asseoir sur des fauteuils
magiques qui les retiennent prisonniers. La légende raconte que, sur
l'intervention d'autres dieux, Thésée put finalement repartir (tout en
laissant collée sur son fauteuil la partie la plus charnue de son
individu : ce serait pour cette raison que les Athéniens seraient
supposés avoir les fesses plates). Quant à son compagnon Pirithoüs, il
y serait encore...
Enfin, Enée
fait lui aussi une descente aux Enfers dans le célèbre poème de Virgile
intitulé l'Enéide,
une grande épopée qui a la forme d'une Odyssée suivie d'une Iliade.
Virgile raconte d'abord l'"odyssée" d'Enée aui, après la prise de
Troie, erre très
longtemps sur les mers en quête d'une nouvelle patrie. Arrivé en
Italie, il consulte l'oracle d'Apollon pour savoir si c'est dans ce
pays qu'il doit s'installer. Il descend donc aux Enfers, accompagné de
la Sibylle, prophétesse d'Apollon. Il y retrouve la Carthaginoise Didon,
qui s'était suicidée par amour pour lui, mais surtout son père Anchise,
qui lui prédit l'avenir de maîtresse du monde qui attend la ville qu'un
de ses descendants fondera : naturellement, il s'agit de Rome. Cette
longue recherche d'une nouvelle patrie pour les derniers troyens fait
ensuite place à une sorte d'Iliade inversée : ils doivent en effet
vaincre les peuples autochtones pour pouvoir fonder leur cité, Albe, d'où sortira Romulus et la cité "maîtresse de l'univers". (cf. manuel de latin 5° Magnard, chapitre 1, pp. 14 à 17)
Proserpine, par F.G. ROSSETTI (Londres, Tate Gallery)
http://grozouland.free.fr/LATIN5/Enfers.html
scriptum ante diem decimum Kalendas Februarias
anno MMDCCLXVIII ab Urbe condita ( = écrit le 20 janvier 2015)